Par Georges Gastaud

S.P.Q.R., histoire de l’ancienne Rome

par Mary Beard, 2022, Editions Perrin

On ne peut que recommander ce livre écrit avec autant de sérieux que d’humour à tous ceux qui souhaitent acquérir une vue synthétique de l’histoire romaine des origines jusqu’à l’an 212, où l’empereur Caracalla attribua le droit de cité à tous les habitants libres de l’empire, effaçant ainsi l’antique opposition statutaire entre peuples conquis et Romains conquérants. A lire ce livre, on ne peut qu’être conforté dans l’idée que « l’histoire de toute société jusqu’à ce jour n’a été que l’histoire des luttes de classes » (Marx, Engels, Manifeste du Parti communiste) tant le « conflit des ordres » entre patriciens (riches aristocrates maîtres du Sénat et de l’armée) et plébéiens (petites gens des villes et autres paysans chassés de leurs terres) structure en profondeur l’histoire romaine. Avec sans doute deux points culminants que symbolisent le nom glorieux des Gracques (Tiberius, puis Caius Gracchus, deux frères d’origine noble qui furent successivement élus tribuns de la plèbe et qui périrent l’un après l’autre sous les coups des aristocrates assassins ainsi que plusieurs milliers de leurs partisans massacrés : leur tort était d’avoir milité pour une réforme agraire favorable aux pauvres), puis celui de Spartacus, du nom de l’héroïque gladiateur thrace qui, à la tête d’une troupe d’esclaves évadés et de « libres » prolétaires romains, mena la vie dure aux armées romaines durant deux ans, voire les vainquit avant de périr au combat, des milliers d’insurgés faits prisonniers étant pour finir crucifiés sur la Via Appia sur l’ordre du richissime général romain Crassus, quintessence inhumaine de la cruelle ploutocratie romaine. 

Mary Beard ne laisse donc aucun doute sur le caractère de classe marqué de la très censitaire « République » romaine où la domination de la richesse était institutionnalisée, y compris d’ailleurs dans le cadre de l’institution tribunicienne. L’auteur montre aussi en filigranes combien ce système institutionnel, après avoir nourri l’esprit de conquête durant des siècles, portait en lui les germes de son autodestruction.