Par Georges Gastaud, auteur de l’étude “Exterminisme et criminalisation’, analyse anti-impérialiste du Projet de paix perpétuelle d’Emmanuel Kant 

Que l’on pense ou non que l’avènement de Trump II comporte une promesse, sinon de paix, du moins d’accalmie dans la marche au conflit global de haute intensité que planifie l’Otan, il est aisé de saisir que, Trump, Biden ou Harris, l’impérialisme américain n’est pas prêt de changer de nature; c’est d’autant plus vrai que l’exterminisme est devenu le stade suprême du capitalisme-imperialisme terriblement dégénératif de notre époque ainsi que nous l’avons dès longtemps démontré. Ajoutons que les actes parlent d’eux-mêmes, en particulier l’appui constant et illimité que l’impérialisme américain apporte, toutes administrations successives confondues, aux exterminateurs patentés de “Tsahal”, et cela quelles que soient les preuves accablantes du génocide en cours à Gaza. Cependant, s’il fallait une preuve de plus du caractère objectivement exterministe de la politique présentement menée par Trump, c’est la  débauche de comportements criminels totalement débridés et impudents  que Trump et son protégé Netanyahou, sans parler de Zelensky et de ses suppôts de l’UE ont accumulée ces derniers mois.

Pour le comprendre, il faut passer par un détour et rappeler certaines brillantes et très prémonitoires analyses que Kant a produites dans la partie de son Projet de paix qui est consacrée à ce qu’il appelle les “articles préliminaires à la paix perpétuelle”.

Kant commence par y établir que le refus de la guerre d’extermination, donc aussi des comportements qui y mènent nécessairement, forment ensemble l’impératif catégorique négatif (l’interdit suprême) régulant toute espèce de politique internationale orientée vers le droit. A l’inverse des sophistes qui, au nom du primat kantien mal compris de la loi et de ses formes rationnelles sur les conséquences de l’action morale “justifient” le recours possible à la guerre d’extermination en vertu d’on ne sait quelle “juste cause”, Kant établit subtilement que la forme même du droit prohibe absolument que soit pris par quiconque le risque d’éliminer militairement le “genre humain”, sujet par excellence du droit et de la moralité. Dit autrement, le formalisme moral lui-même interdit que l’on puisse globalement menacer  l’existence physique de l’humanité. On est ici aux antipodes du monstrueux idéalisme ascétique revendiqué par André Glucksmann quand, en pleine crise des euromissiles (1984), ce personnage odieux du reste père d’un autre va-t-en-guerre atlantiste, osait glacialement écrire, dans une sorte de Jugement de Salomon à l’envers (et aux dépens du petit Raphaël): “j’aime mieux périr avec mon enfant que j’aime dans un échange de Pershing et de SS 20 que l’imaginer entraîné vers quelque Sibérie planétaire…”, ce même individu osant en outre préciser que la défense des ” valeurs occidentales” implique que l’on soit capable s’il le faut de prendre le risque d’une “disparition exhaustive de l’humanité” ou encore, en termes bibliques, d’une “seconde mort de l’humanité” (La Force du vertige, 1984) avec la disparition possible de tout possible humain…

Mais alors, il ne suffit pas de proscrire radicalement la guerre d’extermination, il faut aussi bannir tous les moyens politico-militaires qui y conduisent nécessairement. C’est pourquoi, dans la même partie de son Traité de paix perpétuelle, Kant énumère au moins trois moyens dont nous verrons que Trump et Netanyahou les ont méthodiquement utilisés récemment :

– l’ingérence systématique dans les affaires internes du pays avec lequel on est en guerre, car une telle ingérence, par ex. en prétendant imposer au pays en question le régime à sa botte que l’on souhaite pour lui, revient à le nier en tant que libre sujet de droit capable de s’auto-déterminer suffisamment pour être en état de signer un futur traité de paix. En réalité un tel traité ne sera qu’une mascarade car il reviendra à ne traiter qu’avec soi. Par avance il signifie, soit l’asservissement total de l’autre, soit son annihilation ;

– le projet d’assassiner de quelque façon que ce soit, et notamment par la  trahison, de collabos ou d’espions, le chef d’État ennemi; pas difficile d’imaginer qu’il en va de même a fortiori de l’entreprise visant à tuer des diplomates chargés de négocier un traité de paix ; il s’agit là d’un coup rédhibitoire à la confiance mutuelle qui doit subsister, même en cas de belligérance ouverte, et faute de laquelle aucune paix n’est seulement envisageable ;

– bien évidemment la perfidie consistant à signer une paix ou un cessez-le-feu avec la ferme intention de gruger l’autre partie pour mieux l’attaquer par surprise et recommencer la guerre par surprise à la première opportunité venue;

Sans aller ici plus loin faute de temps, on ne peut que constater que les USA de Trump, et plus encore le sinistre État de proie israélien, ont cent fois commis tous ces crimes contre la paix ces derniers temps. C’est le cas quand, par ex., Netanyahou a systématiquement violé les cessez-le-feu qu’il venait juste de signer, quand ce même giga-predateur a fait assassiner par le Mossad ou par ses collabos les négociateurs iraniens des futurs accords irano-americains sur le nucléaire, quand les services américains ont guidé les récentes frappes américaines de décapitation sur l’Iran au moment même où se déroulaient les négociations. Rappelons que ces mêmes méthodes avaient été employées par la clique pronazie de Zelensky quand les sbires de ce dernier ont fait assassiner… les négociateurs UKRAINIENS traitant avec les Russes. Déjà les serviles pitbulls atlantistes Merkel et Hollande s’étaient vantés de n’avoir parrainé et cosigné les Accords russo-ukrainiens de Minsk II que pour endormir la vigilance russe et pour permettre à l’Ukraine de se préparer à la reconquête militaire des Républiques populaires du Donbass… Passons sur les bombardements américains de l’Iran déclenchés par Trump sans déclaration de guerre et alors même que les Iraniens n’avaient nullement quitté la table des négociations!

Tout cela constitue le crime de perfidie qui n’est nullement dissociable du supremacisme et de l’unilatéralisme états-unien, ukro-nazi et israélien. C’est la raison pour laquelle, quelles que soient les manoeuvres trumpistes pour diviser le front des BRICS et d’attaquer chacune de ses composantes que séparément et successivement, il ne faut pas être dupe. Bien sûr, le camp des peuples doit tactiquement mettre à profit toute division du camp hégémoniste induite par Trump. Mais stratégiquement parlant, il ne faudra jamais perdre de vue le fait que le trumpisme n’est pas une alternative, mais plutôt une variante de cette “réaction sur toute la ligne” qu’est le capitalisme exterministe contemporain.