– Par Georges Gastaud, le 1er octobre 2023
Auteur de Lumières communes, traité de philosophie générale à la lumière du matérialisme dialectique – Delga 2020
Militant communiste et artiste visionnaire qui perçut avant bien d’autres les nouvelles figures émergentes du fascisme, de l’obscurantisme et de ce que nous nommons l’exterminisme capitalistes, le cinéaste italien Pier-Paolo Pasolini voyait naguère dépérir et s’éteindre les “lucioles”, double allégorie du vivant en souffrance, du progrès social chancelant et des Lumières vacillantes. Et en effet, la contre-offensive anticommuniste et antisoviétique mondiale de l’impérialisme qui suivit la défaite américaine au Vietnam ( 1975) ne se contenta pas de mettre le monde aux portes de la guerre nucléaire mondiale en 1984 (crise dite “des euromissiles”) ni, trahison gorbatchévienne aidant, d’enclencher la désastreuse implosion contre-révolutionnaire de l’URSS et du camp socialiste: cette entreprise mondiale de réaction conduite par l’oligarchie nord-étatsunienne avec l’aide, en France, des “nouveaux philosophes” à la BHL, ne pouvait également manquer de stimuler toutes les menées rétrogrades et obscurantistes de nos temps crépusculaires. Au premier rang desquelles figure le retour en force du créationnisme, du néo-magisme et des intégrismes religieux de toutes obédiences…
Pour autant, il serait lâche, et surtout très sot, de baisser les bras et l’anti-exterminisme militant que nous prônons est le contraire de l'”effondrisme” démoralisant que moulinent en continu les médias du grand capital.
Non seulement en effet le monde du travail en général et la classe ouvrière en particulier retrouvent peu à peu partout le chemin du combat (en ce moment même les grévistes américains de l’automobile ont pris le relais des grévistes d’Hollywood en lutte contre le dévoiement capitaliste de l’Intelligence Artificielle), non seulement la résistance au suprématisme euro-atlantique des pays de l’Est et du Sud ne cesse de s’élargir en Afrique, en Asie et en Amérique latine, mais la recherche fondamentale semble grosse d’avancées scientifiques capitales pour la reviviscence des “lucioles” chères à P.P.P. :
– Par ex. le nouveau télescope orbital James Webb (JWST) permet déjà d’observer des galaxies très anciennes dont l’étude nous renseignera comme jamais sur l’état de l’univers primordial (si ces nouvelles informations ne portent pas un coup fatal à l’approche créationniste de l’ainsi-dit Big Bang…). Cette exploration d’une ampleur sans précédent (JWST travaille dans l’infrarouge profond et sa surface de collecte déployée à 1,5 millions de km de la Terre est égale à celle d’un court de tennis!) aura sans doute des répercussions fortes, à moyen terme, sur la science de l’infime tant sont désormais imbriquées toutes les parties de la physique…
– Comme son prédécesseur le télescope orbital Hubble, JWST découvrira sans doute de nouvelles exoplanètes, mais surtout, il permettra d’étudier l’éventuelle atmosphère de celles qui se situeraient dans la “zone habitable” de leur étoile de référence (celle où l’eau peut exister sous forme liquide) avec tout ce que cela pourrait comporter d’ouvertures fascinantes en matière d’exobiologie, donc indirectement et comparativement, de connaissance du vivant terrestre.
– Rappelons par ailleurs qu’une mission spatiale encore dans toutes les mémoires permit à la sonde Rosetta d’aborder la comète Tchouri, excusez du peu, en y posant un atterrisseur bardé d’appareils de mesure communiquant avec un orbiteur tout aussi bien nanti. Nous en apprendrons ainsi de plus en plus sur les origines du système solaire dont les comètes et autres astéroïdes demeurent les témoins privilégiés. On connaît à cet égard le rôle, dûment souligné en son temps par Friedrich Engels, des théories cosmogoniques d’Emmanuel Kant et de Simon de Laplace dans la formation de la conception dia-matérialiste et évolutionniste de l’ensemble des phénomènes naturels.
– Quant au séquençage du génome humain, il a été réalisé de notre vivant; de leur côté, les neurosciences avancent à pas de géant dans la connaissance des mécanismes cérébraux, y compris (cf les travaux d’Antonio Damasio) dans l’exploration des mécanismes neuraux du “sentiment de soi”.
– Il y a fort peu de temps, historiquement parlant, qu’a été expérimentalement prouvée l’existence du boson de Higgs, clé de voute de la théorie microphysique; et de plus en plus, recherches microphysiques et cosmogoniques s’épaulent pour permettre à terme – du moins espérons-le! – aux scientifiques de construire une théorie physique unifiée de l’univers matériel, que cette “grande unification”, dépassant et conciliant à la fois la théorie de la Relativité et la physique quantique, passe par la théorie “quantique à boucles” ou qu’elle repose sur celle, moins dialectique à nos yeux (mais pas forcément moins “vraie” pour autant!), dite des “supercordes”.
Contrairement à ce que pensent trop d’écolos réactionnaires, il ne s’agit donc nullement de résilier le progrès scientifique et technique mais d’empêcher son dévoiement ab ovo par les surenchères mortifères liées au profit maximal, par la monstrueuse course aux armements inhérente à l’impérialisme et par la traque capitaliste obsédante de la force de travail et de l’intelligence humaines dans la production des objets et des services. La relance d’un progrès vraiment au service de l’homme et du vivant passe ainsi, non par le retour impossible à la lampe à huile, ni par l’indécente gadgétisation de la production et de la consommation qui caractérise le suicidaire capitalisme actuel, mais par de nouvelles découvertes fondamentales qui, associées à un socialisme-communisme de nouvelle génération, et plus globalement, à un retour en force des luttes émancipatrices, donneront accès à de nouvelles formes, créatives et non plus perversement destructives, d’interaction entre l’homme et son environnement. Bref, comme le proclamaient ensemble le philosophe Diderot et le mathématicien d’Alembert dans L’Encyclopédie, “hâtons-nous de rendre la philosophie (ils entendaient par là la pensée rationnelle en général) populaire!”…
Plus que jamais, l’avenir, si avenir il doit y avoir, est donc à l’alliance offensive de la science fondamentale et des classes populaires. Une alliance hégémonico-culturelle, au sens gramscien du mot, que la bourgeoisie révolutionnaire du XVIIIème siècle nommait “les Lumières”, que Lénine rebaptisera “matérialisme militant” et que, associant les deux plus beaux mots (à notre goût) de la langue française et de l’histoire de France, nous désignons par l’expression “Lumières communes”. C’est à cette renaissance salvatrice que devraient désormais, toutes affaires cessantes, vu la terrifiante montée des périls sur tous les fronts (militaire, environnemental, culturel, etc.) travailler de conserve les philosophes marxistes, les artistes révolutionnaires, les scientifiques communistes et, bien entendu, les militants du mouvement ouvrier, étudiant, paysan et enseignant.
Et pour que lesdites Lumières communes triomphent à temps des ténèbres qui menacent l’humanité, pour que renaisse en somme une conception rationnelle, démocratique et progressiste du monde et du sens, il faudra que se re-déploie un matérialisme dialectique de nouvelle génération analogue à celui que surent promouvoir ensemble pour leur époque le philosophe Georges Politzer et le physicien Jacques Solomon, ces deux figures de la Résistance antifasciste que méconnaît scandaleusement le négationnisme anticommuniste contemporain.