– Janvier 2022 – Par Georges Gastaud1

A la mémoire d’Henri Alleg et de Gilberte Salem, d’Henri Martin, de Claude Despretz et de Georges Cabaret, 

avec lesquels j’ai eu l’honneur de mener des combats pour le moins convergents.

Parrainé par Henri Alleg, fondateur d’Alger républicain et auteur de La Question, par Georges Cabaret, « soldat du refus » en Algérie, par Etorix de Angelis, garde du corps bénévole de Mme Binh lors des négociations à haut risque des Accords de Paris2, censeur inlassable de la « Françafrique » néocoloniale et de ses prédations aussi destructives pour l’Afrique que déshonorantes pour la France, soutien indéfectible du peuple palestinien (ce porte-drapeau mondial de la lutte anticoloniale de notre époque), continuateur idéologique de la Coordination communiste du PCF formée à partir d’une Lettre-pétition au C.C. du P.C.F. initiée par la cellule Eloi Machoro3 de Lens, organisation franchement communiste de Léon Landini, de Pierre Pranchère, de Simone Nicolo-Vachon, d’Eugène Kerbaul, d’Henriette Dubois, de Jeanne Colette et d’autres Résistants F.T.P.F. et F.T.P.-M.O.I., le P.R.C.F. auquel appartient l’auteur de ces lignes n’a clairement de leçon à recevoir de personne en matière de défense anti-impérialiste et anticolonialiste de ce que Lénine appelait le « droit des nations à disposer d’elles-mêmes »: un droit d’orientation universaliste, exclusif de toute conception “racialiste” de la nationalité et qui, soit dit en passant, n’a jamais légitimé la moindre complaisance « antijacobine » à l’égard des euro-séparatismes régionalistes (breton, corse, alsacien, catalan, flamand, savoisien, nissard…) qui, stimulés par le “pacte girondin” macronien, servent aujourd’hui de cheval de Troie « culturels » et particularistes aux partisans de la dé/constitutionnalisation de la langue française et d’une euro-dissolution de la République indivisible dans l’Empire euro-atlantique du capital centré sur Berlin, supervisé par l’OTAN… et linguistiquement « globishisé » à marche forcée. C’est-à-dire, parlons clair, à l’euro-balkanisation de la France dans le cadre de la marche aux « Etats-Unis d’Europe » insérés dans l’ « Union transatlantique » très officiellement souhaités par le MEDEF4 : le joli projet progressiste et « révolutionnaire » que voilà !

Pour autant, d’authentiques progressistes, et à plus forte raison de véritables marxistes et de véritables communistes, ne sauraient alimenter la vision binaire de l’histoire qui caractérise un certain “dé-colonialisme” issu de la “gauche” antimarxiste des U.S.A. – Sourdement influencé sans doute par la théorie ethnico-impérialiste et archi-réactionnaire du « choc des civilisations », ce courant superficiellement progressiste alimente à son corps défendant une vision racialiste de l’histoire. Il dévalue en effet fortement, au profit de combats “identitaires” émiettés et fractalement concurrents entre eux5, les trois antagonismes principaux de notre temps : 

  • l’antagonisme fondamental du mode de production capitaliste : il oppose le Travail exploité au Capital qui l’exploite, 
  • l’antagonisme qui confronte les peuples opprimés aux impérialismes, stade suprême du capitalisme
  • et l’antagonisme qui met au prises de plus en plus le capitalisme-impérialisme actuel avec les défenseurs du socialisme-communisme passé, présent et à venir ; ces derniers se confondront de plus en plus, étant donné l’orientation exterministe du capitalisme moderne, avec les défenseurs de la paix mondiale, condition première de la survie de l’humanité…

Qu’il y a gauche et gauche…

En effet, cette “nouvelle gauche” consciemment ou inconsciemment très “transatlantique” s’est totalement coupée, par anticommunisme, anti-léninisme et antisoviétisme conscients ou inconscients, de la classe ouvrière de France et de son grand héritage national, antifasciste et populaire. Cela l’amène à confondre trop souvent les peuples des nations dominantes avec “leur” impérialisme omni-destructif 6: Dès lors cette même « gauche » petite-bourgeoise toise de très haut le combat social et l’engagement syndical ; elle tend aussi à détacher de ces derniers le combat environnemental(disculpant ainsi le capitalisme de son rôle d’ennemi principal de l’environnement !). De plus, cette gauche américanisée et démarxisée n’a que faire du combat anti-impérialiste et anti-hégémonique pour la défense de la paix mondiale7. En outre, elle méprise l’héritage anticolonial du Mouvement communiste international en général et celui du P.C.F. de Thorez-Duclos-Frachon en particulier. L’antisoviétisme recuit et le social-atlantisme à peine voilé de cette même “gauche”, que courtisent évidemment le P.S. pro-Maastricht et ses alliés de « Place publique », est qu’elle occulte l’énorme apport du camp socialiste au mouvement mondial pour l’émancipation des femmes8 et qu’elle dénie le recul historique qu’a été pour les femmes, de Kaboul à Varsovie, la destruction contre-révolutionnaire de la R.D.A. et de l’U.R.S.S. En outre, cette “nouvelle gauche” superficiellement “radicale” croit à tort favoriser l’engagement social des exploités issus de l’ex-empire colonial français en tentant d’imposer à la jeunesse sa vision manichéenne et primitiviste de l’histoire nationale et universelle. Certes, sans remonter à l’Evêque Cauchon qui, au nom de l’Eglise hiérarchique, livra la jeune patriote Jeanne Darc au bûcher anglais, au soudard Simon de Montfort qui extermina les Cathares occitans, à la Florentine intégriste Marie de Médicis, qui commandita la St-Barthélémy, ou à Sainte Marie-Antoinette, qui tenta de livrer amicalement aux Austro-Prussiens les plans des armées révolutionnaires, il existe dans notre histoire des figures, comme celle de Pétain, le fusilleur de Verdun et le chef de file de la Kollaboration, comme Adolphe Thiers, massacreur de la Commune et vassal servile de Bismarck, qui ne méritent que le mépris posthume de la patrie républicaine et dont il est indigne qu’elles polluent encore la dénomination de nos lieux publics. Dans ce cas-là, de véritables républicains ne peuvent que militer pour leur déboulonnage définitif. Et que la droite revancharde, qui a systématiquement débaptisé par centaines les noms de rue attribués à des figures du mouvement ouvrier dans l’ex-ceinture rouge de Paris, et qui s’est pâmée de volupté quand la Grande Allemagne capitaliste “réunifiée” a barbarement détruit le “Palais de la République” de la R.D.A., ou qui s’efforce actuellement à Clichy de débaptiser l’école publique Louis Aragon9, n’ait pas le culot de prétendre que nous, progressistes, porterions atteinte au pluralisme quand nous exigerons que, par ex., le lycée Thiers de Marseille soit rebaptisé Louise Michel ou François Billoux (cf la note, ou quand nous exigerons qu’en Bretagne, certains euro-séparatistes négationnistes cessent d’encenser les “patriotes bretons” qui, contrairement aux Résistants de l’île de Sein, ou aux bretonnants marins du Protet refusant de canonner la population rouge d’Odessa, ont rallié le Troisième Reich par rejet de la République française “sans Dieu” ! 

Purs versaillais, génocidaires coloniaux et vichystes hors du « socle commun » !

De la même façon, il existe des « grands hommes » qui n’ont rien fait d’autre dans leur vie, pour “mériter” que leur statue enlaidisse à titre posthume l’espace public, que de massacrer, d’humilier et de torturer sadiquement les peuples africains colonisés par la France bourgeoise ou monarchique. La revendication de débaptiser un tel édifice ou lieu public pour l’orner du nom d’un militant du combat anti-esclavagiste (Toussaint Louverture ?), anticolonial (Henri Martin ? Ho Chi Minh ?), antiraciste (Chris Hani, Nelson et Winnie Mandela ?), de la lutte sociale (Henri Krazucki ? Ambroise Croizat ?), de la Résistance antifasciste (Missak Manouchian ? Joseph Epstein ?), de la défense de la paix (Picasso ?), de la Francophonie anticoloniale (Aimé Césaire ? Frantz Fanon ?) ou de l’émancipation féminine (Martha Desrumeaux ?), est alors cent fois justifiée. Une telle revendication serait aussi rassembleuse que politiquement mobilisatrice pour peu qu’elle soit portée, non pas sur la base d’une lamentation victimaire et particulariste– car une telle attitude défensive et tournée contre « la France » ne peut que faire le jeu du racisme et de l’extrême droite xénophobe -, mais sur celle autrement plus offensive et conquérante d’une nouvelle République française émancipatrice, égalitaire et fraternelle contribuant à la construction internationaliste, voire si j’ose dire “inter-patriotique”10 d’une espèce humaine dépassant son médiocre statut d’espèce brutalement prédatrice pour mériter enfin le titre ô combien jaurésien d’Humanité: le but final étant que, comme le dit la chanson, “l’Inter/Nationale” devienne “le genre humain“… Et réciproquement !

Approche binaire ou approche dialectique de l’histoire ?

Mais redisons-le aux marxistes inconséquents qui l’oublient quelquefois pour mieux courtiser (en vain d’ailleurs !) la bien-pensance à la mode, l’histoire n’est pas binaire : pastichant une formule que Friedrich Engels appliquait à la nature, « en dernière analyse, l’histoire fonctionne dialectiquement et non métaphysiquement ». En d’autres termes, « la contradiction est la racine de toute vie et de tout mouvement » (Hegel) et « la dialectique est l’étude de la contradiction dans l’essence des choses » (Lénine). Ainsi en va-t-il de la construction nationale multiséculaire de la France – et d’autres nations d’Europe assurément: elle est ainsi faite, qu’on le déplore ou que l’on accepte rationnellement de partir de cette réalité, que cette même bourgeoisie initialement progressiste qui, d’abord soumise aux Capétiens directs ou indirects (Jurées-Communes médiévales alliées à Philippe-Auguste, Bourbons se choisissant de grands ministres roturiers comme Colbert ou Louvois…) puis à son propre compte (Révolution bourgeoise démocratique de 1789/95, premier Empire, Seconde et Troisième République…), a tout-à-la fois durement exploité les ouvriers en France, pillé les colonies d’Afrique, et… construit un pays, son administration efficace, son école moderne, ses voies de communication routières, fluviales et ferroviaires, son industrie et son agriculture, en mettant en place, pour ses besoins propres, certes, les premiers services publics d’envergure nationale (poste, voirie, institutions de recherche comme le Collège de France, unification du droit et de la langue politico-juridique, etc.). Dès lors, est-il judicieux de ne considérer Colbert, le grand argentier roturier de Louis XIV, que comme l’auteur nominal (car il agissait sur commande du pouvoir royal) de l’odieux Code noir et d’oublier que, parallèlement à cela, ce grand bourgeois méprisé par la Cour a tiré du néant la jeune industrie manufacturière française d’Etat, qu’il fut l’initiateur de la première grande politique économique et commerciale du pays (il était « physiocrate »), qu’il a combattu la vénalité des charges, ce foyer permanent de mal-gouvernance et de corruption des élites, qu’il a sans cesse tenté – sans y parvenir (cette prodigalité gaspilleuse des rois sera l’une des causes de la future révolution bourgeoise) – d’encadrer les dépenses curiales et militaires ; il fut même, dans les étroites limites de classe et de l’autoritarisme qui le caractérisaient, l’initiateur d’un embryon de statut des agents publics. C’est pourquoi il n’est pas juste de réclamer, comme l’a récemment fait Jean-Luc Mélenchon, ordinairement plus subtil dans ses jugements politico-historiques, sous prétexte que « Colbert était un homme d’Ancien Régime », qu’il soit traité rétrospectivement comme le premier dépeceur d’Algériens rebelles obéissant avec zèle au très réactionnaire roi Charles X, l’homme qui décida de la conquête ô combien sanglante et exterminatrice de l’Algérie. Si cette attitude qui fait la joie des indigénistes, ce serait du pain béni pour l’extrême droite… et de la dynamite idéologique pour le pays. Car il faudrait alors faire commencer (au mieux!) l’histoire de France le 14 juillet 1789 et pratiquer un négationnisme historique aussi absurde que pourvoyeur de nostalgies néo-monarchistes: plus de « Gaulois réfractaires » précurseurs de notre histoire11, car Vercingétorix n’était pas un paysan celte mais le fils exilé d’un roi arverne. Pas davantage de « place de la bataille de Bouvines » nulle part, car Philippe IV était un monarque féodal “classique” bien qu’il se soit allié aux milices communales du nord pour briser la tenaille militaire des féodaux « français » ralliés aux roi anglais, au comte de Flandres et à l’empereur germanique (1214). Plus de rue Jeanne d’Arc, fût-ce à Rouen, au Crotoy ou à Orléans, car celle que François Villon nomme la « Bonne Lorraine » dans son poème repris par Brassens Les neiges d’antan, fit sacrer le “dauphin” Charles VII à Reims à la barbe de l’occupant anglais et avec le soutien enthousiaste d’une large partie du petit peuple d’alors12. Plus de Lycée Henri IV à Paris, car le signataire de l’Edit de Nantes, réconciliateur des protestants et des catholiques à l’issue des Guerres de religion et habile précurseur de l’Etat laïque moderne, était clairement, lui aussi, cher Mélenchon, un roi et un homme « d’ancien régime »: qui ne voit pourtant que dans les conditions du XVIème siècle finissant13, le camp « royaliste » soutenu par le « parti » des « Politiques » était bel et bien celui du progrès et de la reconstruction nationale face à la « Sainte Ligue » intégriste, inquisitrice, néo-féodale et subventionnée par les rois d’Espagne ? 

Allons plus loin dans l’exploration de cette logique négativiste incontrôlable : plus nulle part d’avenue Charles de Gaulle ; en effet, le jeune capitaine de Gaulle était monarchiste, il combattit sur ordre la jeune République des Soviets et, en 1945, il laissa faire pour le moins les massacres de Sétif et de Madagascar14. De Gaulle confia même à l’ex-collabo antisémite Papon le soin de la répression colonialiste et anticommuniste à Paris qui aboutit au massacre des manifestants algériens du F.L.N. par la police française, puis à la tuerie anticommuniste du Métro Charonne. Plus de Collège André Malraux non plus, car ce dernier ne fut pas seulement un romancier de génie, un combattant antifranquiste, un Français libre courageux et un ministre de la Culture avant-gardiste : il fut aussi le premier appelant à la manif ultraréactionnaire du 30 mai 1968 qui porta l’estocade politique à la plus grande grève ouvrière de notre histoire… Qui ne voit alors que cette frénésie dé-baptiseuse est à mille lieues d’une vision dialectique, matérialiste et marxiste large de l’histoire ? En réalité, cette approche simpliste et métaphysique de l’histoire n’oublie rien moins que la « patience du négatif » détectée par Hegel, c’est-à-dire la rationalité tragique de l’histoire, et dans la foulée, une telle méthodologie primaire répudie tout autant l’apport méthodologique du Manifeste du Parti communiste, la dialectique matérialiste :  Marx et Engels, les plus irréductibles ennemis qu’ait jamais eus le Capital, consacrent en effet le premier chapitre du Manifeste communiste à dresser l’éloge vibrant… du mode de production capitaliste qui, tout en « épuisant la Terre et le Travailleur », comme le soulignera Le Capital, a libéré comme jamais les forces productives, internationalisant comme jamais les échanges, liant fortement la science à la production, jetant les bases matérielles d’une véritable histoire universelle (et d’une mondialisation future du communisme). Et surtout, ce sanglant mode de production capitaliste a créé et développé sur des bases très larges le prolétariat moderne en faisant en sorte que, à son insu, la bourgeoisie « produise elle-même ses propres fossoyeurs »: cette classe moderne des travailleurs productifs salariés, la seule qui soit capable, en éliminant toute société de classes et en mettant la science d’avant-garde et les lumières au service de tous, d’en finir avec touteforme d’esclavage, de servage, de colonialisme, de racisme, d’oppression sexiste, d’exploitation capitaliste, de superstitions obscurantistes et d’oppression nationale ! 

Progrès historique, classes dominantes et classes dominées

Car il serait simpliste de croire que, pour le marxisme, qui conduit certes fort logiquement à l’engagement communiste, mais qui comporte aussi sa consistance scientifique irréductible ainsi qu’une forte aptitude au surplomb historique, les classes opprimées seraient les seules à pouvoir porter le progrès historique général. C’est factuellement et grossièrement faux et Marx et Engels eussent malicieusement commenté semblable aberration historique en disant sans doute, en français dans le texte comme ils aimaient à le faire : « ça dépend du temps et du lieu… », Lénine surenchérissant peut-être d’un laconique « … et de l’analyse concrète de la situation concrète ». Aussi choquant que cela puisse paraître aux amateurs de posture « moraliste » – bref , à ceux que Hegel appelait ironiquement les « belles âmes » – , et même si cela dépasse l’entendement limité d’un écolo bourgeois moyen adorateur de gentils colibris, le dépassement des communautés nomades primitives put et dut (mussteêtre un progrès historique majeur pour l’humanité ainsi qu’un moment nécessaire de son développement. La révolution néolithique qui bouleversa les forces productives encore bien faibles des temps paléolithiques, permit à la fois l’apparition de l’élevage et de l’agriculture, et avec eux, l’émergence de l’artisanat urbain, du commerce à grande échelle, de la monnaie, des Cités-Etats, de l’irrigation et du drainage à grande échelle (donc de la planification d’Etat !), de l’écriture (Mésopotamie, vallée de l’Indus, Egypte…), de la littérature (épopée de Gilgamesh…), des formes émergentes de science, la lente spécification des activités proprement artistiques et la mise en cohérence étatique des religions (rationalisant quelque peu les vieilles croyances magico-mythologiques), condition de l’émergence future de la philosophie. Pourtant, à l’arrière-plan de tous ces bouleversements qui forment l’aboutissement « historique » de la révolution néolithique et de la fin, non pas de l’histoire, mais de la « préhistoire », il y eut aussi, de manière très barbare15, la consolidation de la propriété privée du sol, le durcissement des oppositions de classes et de castes, le perfectionnement de despotiques Etats de classe. Et, sous des formes très diverses selon les temps et les lieux, l’enkystement millénaire de l’esclavage, du servage, voire de ce que F. Engels nomme la « défaite historique de la femme » dans L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat. Spartacus insurgé contre Rome est certes, comme l’avaient compris Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, le personnage le plus grandiose de l’histoire, voire l’incarnation humaine sensible du demi-dieu Prométhée. Faut-il pour autant compter pour rien l’apport historique grandiose de la République romaine aristocratique… et esclavagiste ou, avant elle, l’invention de la démocratie athénienne qui, elle aussi, excluait les femmes, les esclaves et les “métèques”, toutes et tous bannis de la citoyenneté par l’inflexible et très phallocratique droit du sang athénien ? Marx avait-il tort de considérer le tragique grec Eschyle, qui porta la panoplie des hoplites athéniens à Marathon16 et dont l’Orestie célèbre la naissance du premier Etat de droit supplantant la sanguinaire vendetta, comme le plus grand poète antique ?

Quand la bourgeoisie d’hier construisait la nation ; et quand l’oligarchie capitaliste d’aujourd’hui la dépèce

La réalité, quand on comprend que le « mouvement des nationalités » fut globalement, et reste pour une bonne part face à la fascisante euro-mondialisation néolibérale, une étape limitée, contradictoire, dépassables certes, mais incontournable de l’histoire universelle, c’est qu’il faut distinguer les époques où la classe dominante, si barbare qu’elle fût par ses guerres “pour l’honneur” ou… pour le profit, bâtissait la nation, et c’est Philippe le Bel (un bien triste sire sur le plan personnel !) construisant l’administration d’Etat, et c’est François Ier substituant le « langage maternel françois » au latin dans les actes juridiques, et c’est Sully nommé par Henri IV « Grand Voyer de France » avec la mission de restaurer routes et canaux; et c’est Vauban consolidant les frontières du pays et proposant à Louis XIV, au grand dam des courtisans, une « dîme royale » moins défavorable aux « petites gens ». C’est ensuite le despotique Napoléon Bonaparte, par ailleurs liquidateur de la République et restaurateur de l’esclavage supprimé par Robespierre, qui n’en institua pas moins le Code civil, alors globalement progressiste, dans toute l’Europe “dé-féodalisée” par ses soins ; et c’est encore Jules Ferry – dynaste bourgeois et ardent militant colonialiste certes ! – mettant en place avec le protestant radical Ferdinand Buisson l’école primaire “publique, laïque et obligatoire17; et c’est Charles de Gaulle, condamné à mort par Vichy, fédérant la France libre (bourgeoise pour l’essentiel!), discutant par réalisme politique avec l’envoyé du P.C.F. à Londres, le communiste Fernand Grenier, et reconnaissant loyalement devant Joseph Staline, en 1944, que “la Russie soviétique a joué le rôle principal dans notre libération18. Quant à Jean Moulin, qui n’était pas que l’on sache, un prolétaire bolchevisant mais un préfet radical-socialiste cassé par Vichy, il sacrifia sa vie pour que pût émerger le Conseil National de la Résistance.

Telle est donc aujourd’hui la différence majeure entre une période historique où la monarchie, puis la bourgeoisie républicaine ou bonapartiste étaient encore capables peu ou prou, certes de manière injuste et déformante, de bâtir un pays et de porter un élan culturel, et l’époque actuelle où l’oligarchie « française » est devenue structurellement inapte à le faire, en raison notamment des échelles continentale et transcontinentale – post-nationale en un mot – où s’opère désormais la concentration du capital monopoliste. Quand on se pique de marxisme, il faut donc absolument prendre au sérieux la différence radicale entre une période, celle de Colbert et de Vauban, où, encore provisoirement soumise formellement aux Bourbons, la bourgeoisie française n’en construisait pas moins l’Etat-nation19 et une période comme la nôtre, celle du capitalisme-impérialisme, « réaction sur toute la ligne » selon Lénine,  où, de plus en plus, le grand capital « français » servilement inféodé à ses deux « hégémons » régional (Berlin) et mondial (Wall Street), sans renoncer aux prédations du vieil impérialisme français décadent et d’autant plus agressif, désosse son propre pays au nom de la « construction européenne », de l’ « armée européenne », de l’anglais devenant la langue unique officielle des institutions européennes, du « besoin d’aire » proclamé du M.E.D.E.F. (jadis on eût dit espace vital)  partant à la conquête du “Grand Marché Transatlantique” à l’aide des “Etats-Unis d’Europe” en construction et des traités libre-échangistes comme le C.E.T.A. et autre T.A.F.T.A. de résurgente mémoire. Au font il s’agit pour les gros actionnaires du C.A.C. – 40 de vendre la France à la découpe, ses ouvriers, employés, ingénieurs, paysans, petits et moyens fonctionnaires, artisans, étudiants d’origine populaire, voire des pans entiers de son espace métropolitain20, pour que “nos” richards grossièrement profiteurs puissent payer sur notre dos leur ticket d’entrée dans le club très fermé de la Jet Set planétisée. Ce qui implique notamment a contrario – et c’est essentiel pour qui veut construire le socialisme, donc prendre appui sur la classe ouvrière industrielle dans sa moderne diversité – d’accorder aux capitalistes “français”, et honteux de l’être encore très provisoirement, le “droit” de démolir l’industrie nationale et ce faisant, d’humilier et de déclasser massivement la classe prolétarienne française ancienne ou nouvelle qui les a périodiquement tant effrayés en 1848, en 1871, en 1936, en 1945 et en 1968, sans oublier les « frondes » populaires insupportables de Décembre 1995 (grève massive des transports), de 2005 (Non ouvrier massif à la constitution européenne), du printemps 2006 (révolte des lycéens contre le C.P.E.) et des Gilets jaunes (automne 2019). La perspective historique de la grande bourgeoisie actuelle est alors diamétralement opposée à celle qui inspirait les grands bourgeois « nationaux » Colbert ou Ferry : il ne s’agit plus pour l’oligarchie capitaliste actuelle de « produire ses propres fossoyeurs » mais de les fossoyer en dévaluant massivement ce prolétariat industriel rouge, cette pêche artisanale et cette paysannerie laïco-républicaine, ce petit fonctionnariat imbu de “service public” et cette intelligentsia critique encore sourdement héritière (malgré le décervelage médiatique, la trahison des clercs et la casse de l’école, du CNRS et de l’Université) du rationalisme cartésien, des Lumières révolutionnaires, de la grande science française du XIXème siècle (Monge, Laplace, Fourier, Galois, Carnot, Fresnel, Le Verrier, Lamarck, Pasteur, Claude Bernard…) et de la bataille culturelle pluri-décennale du P.C.F. encore marxiste-léniniste des Paul Vaillant-Couturier, Georges Politzer, Paul Eluard et autre Jean Vilar, Jean Lurçat et Fernand Léger. 

Virer Colbert ? Ou de la nécessité d’introduire la contradiction dialectique dans le « socle commun » !

Pour en revenir au cas emblématique de Colbert, ce personnage glacial (que Madame de Sévigné appelait « le Nord ») que, encore une fois, nous n’idéalisons nullement, pas plus que nous n’ “aimons” spécialement les sieurs Bonaparte ou Ferry, qui ne voit d’ailleurs que la bourgeoisie actuelle, devenue massivement réactionnaire, antijacobine, toute vergogneuse de cette Révolution bourgeoise « polluée » d’irruptions sans-culottes qui lui a partiellement échappé sous Marat et Saint-Just, a fait de son nom transformé en adjectif un parfait repoussoir historico-économique : car pour nos idéologues néolibéraux actuels, être « colbertien » en économie, cela revient à se réclamer de l’« exception française » abhorrée, de l’« industrialisme » ringard, des « statuts médiévaux » dénoncés par Sarkozy, voire du « protectionnisme croupissant » que les zélateurs maastrichtiens de l’ « économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée » relèguent dans le Septième Cercle de l’Enfer et qui les font considérer notre « France moisie » comme un « pays communiste » que nos oligarques et autres « expatriés fiscaux » comparent parfois sans rire à… la « Corée du Nord » ! C’est pourquoi il est pour le moins imprudent, pour des gens de gauche, et plus encore pour des marxistes-léninistes, de rallier avec armes et bagages ceux qui veulent “décolbertiser” nos rues ; et cela d’autant plus que, avec le niveau lamentable d’enseignement de l’histoire de France qui caractérise l’actuelle Education post-nationale en voie de complet alignement européen, la masse des lycéens et des étudiants ne sait même plus qui est Colbert si elle sait encore vaguement qui furent Jaurès ou Moulin, sans parler des flamboyants ministres communistes de 1945-47 qui, en deux ans de durs combats conduits au Parlement par Jacques Duclos (alors président de l’Assemblée nationale), jetèrent les bases de l’ordre social public français moderne et permirent la reconstruction rapide de notre pays détruit, mourant de froid et affamé. En réalité, de véritables marxistes devraient tout bonnement exiger que, sans démonter puérilement les bustes de Colbert ni créer d’abcès de fixation autour de cette question bien moins importante aux yeux des travailleurs que ne l’est l’avenir des salaires, des retraites, de l’industrie et des services publics, les lycéens français étudient l’histoire de France, donc aussi l’œuvre de Colbert, dans ses contradictions, en contournant à la fois le défunt roman national apologétique de la Troisième République et l’actuel récit antinational et contre-révolutionnaire : lequel n’a d’autre but que de formater de parfaits petits « Européens » anticommunistes, bellicistes et fort peu républicains. 

Bataille culturelle POUR les oublié(e)s de l’histoire officielle

Il faut aussi évidement que, de manière compensatoire en termes d’objectivité historique, l’histoire de France réellement enseignée aux enfants fasse une bien plus grande place, sans nier l’apport historique contrasté des hommes et femmes de la classe dominante (par ex. celui de Mme de Pompadour ou celui de Malesherbes, qui protégèrent les Encyclopédistes, ou d’Emilie du Châtelet, qui traduisit Newton), aux mouvements populaires de notre histoire ainsi qu’aux personnalités longuement “invisibilisés” de la classe, du sexe et des peuples dominés. La liste est longue concernant l’histoire de l’Hexagone21. Et hors de l’Hexagone, Toussaint Louverture déjà nommé, John Brown, l’abolitionniste américain pendu par les esclavagistes, le patriote congolais Lumumba, le Palestinien Mahmoud Darwich, le Burkinabé Thomas Sankara, le Marocain Ahmed Ben Barka assassiné sur ordre de « notre ami le Roi » Hassan II, l’héroïque Dulcie September abattue en France dans les années 1990 sans que justice fût jamais faite depuis, Amilcar Cabral, Agostinho Neto et Samora Machel, les libérateurs marxistes-léninistes des colonies portugaises, sans compter ces femmes hors du commun que furent en France la Russe Elisabeth Dmitriev, la bolchevique Jeanne Labourbe assassinée en Crimée, mais aussi Danielle Casanova, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Emilienne Mopty, Jeannine Sontag, Suzanne Lanoy et tant d’autres héroïnes populaires qui n’ont aucune chance (en auraient-elles eu l’envie d’ailleurs!) d’entrer post mortem au Panthéon bourgeois soigneusement barricadé contre toute présence communiste masculine ou féminine : c’est comme si, pour reprendre le mot de l’écrivain gaulliste François Mauriac, « seule la classe ouvrière dans sa masse » n’était pas « restée fidèle à la France profanée » durant l’Occupation nazie !

Dans chaque grande ville un hommage républicain pour Toussaint Louverture, Robespierre, Louise Michel, Jaurès, Moulin, Croizat, Manouchian, Sankara, Machoro, Gisèle Halimi, Dulcie September, Frantz Fanon…

Dès lors, pour en revenir aux « statues », s’il est clair qu’il faut déboulonner tous ceux qui ne furent rien d’autre que des massacreurs coloniaux, il est politique, au meilleur sens du mot, d’écarter le projet diviseur et antidialectique d’un dé-colonialisme vulgaire qui n’est pas sans rappeler l’iconoclastie intégriste. Bien plus rassembleuse, éducative au sens populaire du mot, et porteuse de construction nationale et internationaliste à la fois, serait une bataille idéologique fédératrice visant, d’une part, à retirer de l’espace public les patronymes insultants des émules de Thiers, et proposant d’autre part, en pratiquant l’ajout raisonné plutôt que la soustraction arbitraire et… diviseuse, d’exiger que dans toute grande ville figurât par ex., une statue de Toussaint Louverture, homme des lumières qui, avec le soutien de Robespierre, autre grand oublié des espaces publics, s’insurgea pour libérer Haïti de l’esclavage colonial. Et pourquoi pas, dans la foulée, exiger partout un monument célébrant collectivement ces héros de la classe ouvrière qui, en 1945/47, dotèrent la France de la Sécu, des retraites par répartition, d’un Code du travail protecteur, qui généralisèrent les conventions collectives, qui nationalisèrent l’énergie (création d’E.D.F.-G.D.F. et de Charbonnages de France), Renault et l’Aviation civile (S.N.E.C.M.A.), qui créèrent le statut des fonctionnaires et le statut du Mineur, tout en refondant la Recherche scientifique (notamment le C.E.A.) et en relançant l’Education nationale sur des bases progressistes (plan Langevin-Wallon). J’ai nommé ces « maudits entre les maudits » que restent, dans nos livres d’histoire comme dans nos espaces publics, Maurice Thorez, Jacques Duclos, Charles Tillon, François Billoux22, Marcel Paul, Ambroise Croizat, Frédéric Joliot-Curie, Paul Langevin et Henri Wallon. 

Car l’objectif des constructeurs d’une République française nouvelle, authentiquement libératrice, égalitaire et fraternelle, ne saurait être de jouer un héritage contre d’autres, mais de fédérer tous les legs progressistes pour retrouver le souffle concrètement universaliste ses Soldats de l’An II, de la Commune de Paris, du Front populaire, des F.T.P.-M.O.I. sans oublier le combat anticolonial rigoureux, à la fois patriotique et internationaliste, des courageux militants communistes français et étrangers des années 1920/1960.

1 Auteur notamment de Patriotisme et internationalisme, 2011, éditions du C.I.S.C., et de Marxisme et universalisme, Delga 2015.

2 Il s’agit des Accords entre Kissinger et Le Duan qui précédèrent de peu la victoire vietnamienne et l’unification victorieuse du Vietnam socialiste (1975). 

3 Eloi Machoro était le chef de la gauche indépendantiste kanak et il fut froidement « neutralisé » par l’appareil répressif français sur ordre du grand humaniste Mitterrand.  

4 Cf le manifeste Besoin d’aire publié par l’organisation patronale début 2012 sous l’autorité de Laurence Parisot.

5 Le concept d’ « intersectionnalité » qui est censé régler et arbitrer le problème de la concurrence mémorielle ou idéologique entre le féminisme, l’antiracisme, le dé-colonialisme proprement dit, l’écologisme, la défense des homosexuels, la solidarité avec les « minorités ethniques », etc. ne règle pas le problème de leur inter-concurrentialité : au final elle l’exacerbe. Par ex., à supposer que deux personnes soient à la fois l’une et l’autre « colorées », femmes et lesbiennes, laquelle devra avoir la priorité d’un point de vue militant, de celle qui souffre avant tout de discrimination homophobe, de celle qui est victime de misogynie au travail ou de celle qui est discriminée dans son accès au logement en raison de sa couleur de peau ? 

Sur le plan théorique, le tort de cette approche est qu’elle tend à privilégier le point de vue segmentaire de l’individu – cette abstraction centrale de l’idéologie néolibérale –, en affectant chaque personne d’une sorte de « coefficient de stigmatisation ». On met alors au premier plan, de manière idéaliste, le « regard » sur soi ou sur autrui plutôt que les situations objectives et dès lors la concurrence entre « victimes » devient objectivement inarbitrable. 

Sur le plan politique, cette approche est désastreuse : quand un congrès syndical d’enseignants passe un tiers de son temps à discuter sans fin des « discriminations » et de l’ « intersectionnalité » alors que des pans entiers de l’école et de l’Université sont dénationalisés de facto sans se voir opposer une résistance de masse, comment ne pas voir que cette approche émietteuse, pinailleuse et foncièrement défensive est un obstacle direct à la construction offensive du « tous ensemble en même temps » et de la nationalisation (voire de l’internationalisation) des luttes qui serait indispensable pour bloquer le profit capitaliste et stopper l’euro-destruction du pays tout entier, sans parler du combat le plus universel de tous, le combat anti-exterministe pour la paix mondiale qui passe systématiquement à l’as quand on privilégie la « lutte contre les discriminations » et la surenchère sans fin sur les « discriminations positives » sur des bases identitaires ? 

Cela ne signifie nullement que les questions féminine, écologique, homosexuelle, antiraciste, etc. n’aient aucune pertinence ou qu’elles n’aient qu’une importance secondaire. Au contraire elles constituent des dimensions globales et inaliénables du combat social dans son ensemble, mais c’est à partir de lui, et du combat anti-impérialiste qui forme sa dérivée principale, donc en réaffirmant sans ambages le primat « holiste » du conflit capital/travail et du conflit « impérialisme/peuples » qui forme le socle du point de vue prolétarien, que l’on peut penser la lutte contre les discriminations, et non l’inverse. 

6 Non, la France sans fric des travailleurs n’est pas coupable des exactions de la France à fric néocoloniale de Bolloré, Total Energies et Cie ! Oui ce même impérialisme français qui pille l’Afrique est aussi celui qui dissout la France dans l’acide sulfurique de l’UE supranationale, du tout-anglais globalitaire et des traités transatlantiques néolibéraux !

7 Lequel l’amènerait en effet à définir Biden comme l’ennemi principal de la paix au lieu de faire de ce suppôt de l’Ukraine néonazie et pathologiquement russophobe un « nouveau Roosevelt »…

8 Qu’il suffise de citer Clara Zetkin, fondatrice avec Lénine de l’Internationale communiste, fondatrice du P.C. d’Allemagne avec Liebknecht et Luxemburg, déléguée clandestine de l’Internationale au Congrès fondateur du PCF et… initiatrice de la Journée internationale des femmes que nous célébrons chaque 8 mars.

9 Croix de guerre 14/18 pour sa conduite héroïque en tant que médecin militaire, organisateur du journal clandestin Les Lettres françaises, organe du Front National des Ecrivains (qui publia Sartre, Mauriac, Eluard, Vercors…), chevalier de la Légion d’honneur et l’un des plus grands écrivains de la littérature universelle. Mais ça ne suffit pas aux minuscules et ignares personnages qui dirigent désormais la municipalité de Clichy-sous-Bois : en effet, Aragon était communiste et cela ne se pardonne pas !

10 Car tout patriote républicain véritable est aussi le patriote des pays dominés en lutte. Patriote de l’Irlande en lutte auprès de Connolly ou de Bobby Sand, de la Grèce insurgée au côté de Yannis Ritsos, du Vietnam martyrisé aux côtés de Ho Chi Minh, de la Palestine dévorée vivante aux côtés de Marwan Bargouti, etc.

11 Alors qu’une telle référence symbolique gêne encore Macron parlant des Gilets jaunes !

12 Que les « gens de gauche » historiquement ignares qui ricanent sottement quand on évoque le bûcher de cette jeune fille brûlée vive à 19 ans lisent donc les conclusions de Georges Dimitrov, figure mondiale de l’antinazisme, au VIIème congrès de l’I.C. (1935). Il y fait obligation au P.C.F. de disputer aux monarcho-fascistes français cette figure du patriotisme populaire. De même, que ces petits esprits relisent, ou plutôt, découvrent Le procès de Jeanne d’Arc, la pièce co-écrite par les écrivains et communistes est-allemands Anna Seghers et Bertolt Brecht. Ceux qui abandonne veulement la Pucelle d’Orléans à l’extrême droite découvriront alors ce que recouvrait, dans les conditions du XVème siècle français, à une époque où les femmes n’avaient d’autre entrée en politique que ce que l’historienne Colette Beaune appelle le « prophétisme féminin », les fameuses « voix » de Jeanne Darc (sans la particule, rajoutée par la suite pour anoblir mensongèrement cette fille de laboureur lorrain parlant le français avec un fort accent germain !) dont le village fut incendié par les Anglais quand elle était enfant. « Vox populi, vox Dei » dit le proverbe : mais la réciproque vaut !

13 Il faut à ce sujet relire la grande saga romanesque de l’écrivain communisant Robert Merle “Fortune de France”.

14 8 mai 1945 : eh oui, l’histoire est tragique et offre de terribles contradictions : la même date signifie libération pour les uns et horreur pour les autres; or nous devons vivre dans le même pays !

15 La barbarie étant la sauvagerie en tant qu’elle fait retour au second degré dans la civilisation : négation de la négation eût dit Marx.

16 Le Plutôt mourir libre que vivre esclaves des Grecs à Marathon fut le premier cri de guerre de l’émancipation anti-esclavagiste qui devait ensuite retentir à des échelles de plus en plus larges, du Liberté, égalité, fraternité ou mourir de 1793 au Patria o muerte, socialismo o morir de Castro et du Che. 

17 Une école laïque française que, malgré ses limites de classe, ses méthodes autoritaires et son idéologie nationaliste, Marx et Jaurès tenaient pour un point d’appui émancipateur de portée universelle. 

18 Le même de Gaulle reconnut en 1966 la République populaire chinoise, il cria “Vive le Québec libre !” en 1966 au nez des autorités agressivement anglomanes d’Ottawa, il fut triomphalement reçu à Moscou, il chassa de France les troupes américaines et, en des termes d’ailleurs discutables, il qualifia publiquement Israël d’agresseur lors de la Guerre dite des Six Jours…

19 Parce que cela lui profitait, nul n’en disconvient ! Mais l’histoire n’a cure des bonnes et des mauvaises intentions !

20 C’est ce que signifie la récente érection, dans la foulée du nouveau Traité franco-allemand d’Aix-la-Chapelle, de la Moselle en « euro-département » et de l’Alsace en « collectivité européenne ».

21 Par ex. les jurées-communes des XI et XIIèmes siècles, les Jacques de Picardie, la première révolution bourgeoise parisienne de 1357, les Bonnets rouges antiféodaux de Bretagne, les Croquants du Limousin, les Va-nu-pieds de Normandie, la Fronde du peuple, les Soldats de l’An II, le Club des Jacobins initialement appelé Club des Bretons, les Fédérés marseillais, etc. ; et bien entendu, les insurgés parisiens des Trois Glorieuses, l’ouvrier Marche qui imposa la forme républicaine du gouvernement en février 1848, les martyrs prolétariens de juin 1848, les Communards, les ouvriers textiles fusillés par la troupe à Fourmies, les soldats du 17ème qui refusèrent de tirer sur les vignerons rouges du Midi, les mineurs grévistes rouges du Nord-Pas de Calais en mai-juin 1941; et bien entendu ces Francs-Tireurs et Partisans français et autres FTP-MOI qui sont systématiquement “oubliés” dans les émissions suantes de conformisme rigolard de M. Xavier Mauduit et de ses invités bien-pensants et anticommunistes du “Cours de l’histoire”…

22 Billoux anima la bataille des dockers communistes contre la mafia marseillaise des années trente. Résistant, il devint ministre en 1945 et fut avec Thorez et Marcel Paul l’artisan de la reconstruction industrielle, tandis que Tillon, ex-mutin de la Mer noire, ex-dirigeant C.G.T.U. engagé aux côtés des Pen Sardin bretonnes, ancien commandant national des F.T.P., réorganisait l’aéronautique française.