De prime abord, le « profil » Pascal1 n’a rien pour séduire le marxiste-léniniste « non décaféiné » que se flatte d’être l’auteur de ces lignes. Quoi de commun, idéologiquement parlant, en effet entre un praticien impénitent du matérialisme dialectique et le croyant quelque peu exalté qu’était Blaise Pascal ? Et quel « fil conducteur » peut-il bien exister entre un partisan de ce « bonheur commun » dont la première République française faisait le but de la société, et l’austère disciple des « Messieurs de Port-Royal » qui, pour se mortifier, portait une « ceinture de fer » à même l’épiderme ? Bref, peut-on saisir la moindre continuité historico-philosophique entre un intellectuel assidu aux manifs populaires contemporaines et le fils très respectueux d’un haut fonctionnaire nanti de l’Ancien Régime qui, après avoir quelque peu bravé Richelieu dans sa jeunesse2, défila par la suite à Rouen aux côtés de l’inexorable Gassion chargé par Sa Majesté très chrétienne d’écraser dans le sang l’insurrection des Jean-nu-pied normands ?

Pourtant, même si l’on fait abstraction du fait que Pascal fut sans doute, avec Racine et La Rochefoucauld (du reste compromis tous deux à divers titres avec les jansénistes…), un virtuose de la langue française du Grand Siècle, tout marxiste soucieux de comprendre l’histoire de la pensée en général et celle de son propre pays en particulier se doit d’étudier l’œuvre fulgurante de modernité de l’immense mathématicien, physicien, entrepreneur, mécanicien, philosophe, théologien, styliste (malgré lui) et polémiste que fut l’auteur (clandestin !) de ces Provinciales sulfureuses qui irradiaient l’Europe en étrillant les jésuites et en irritant au plus haut point le régime absolutiste français3.

Car, philosophiquement, scientifiquement et « culturellement » parlant, l’auteur des Pensées et des Opuscules fut aussi, et fut peut-être avant tout, du point de vue des dynamiques historiques qui nous intéressent ici…

pascal